Philomène à commencé avec une personne critique et un peu frustrée, qui vivait en éco-colocation. Les conversations ont germé, certain·es colocs, devenu·es famille, ont rejoint les préoccupations et la vision. Ensemble, on a décidé de se prendre au sérieux et d’en faire une association pour élargir bien d’avantage le cercle car on y croit.
Nous avions l’impression d’entendre toujours un peu les mêmes choses concernant l’écologie ou le zéro déchet. Et ça nous frustrait : les tawashis* ne sont pas plus représentatifs à eux seuls des solutions pour vivre durablement sur cette Terre que l’épinard ne représente fidèlement les 80 000 types de feuilles comestibles du monde. On est fiers de redécouvrir un légume oublié tous les trois ans, mais jamais de cynorrhodon, groseille à maquereau, berce, armoise, cerfeuil tubéreux, chénopode, oseille, plantain, christophine ou gombo, pourtant présents dans nos prés, jardins ou étals, répertorié dans nos calendriers de “Fruits et légumes de saison”. C’est non seulement réducteur d’omettre cette immense diversité, c’est passer à côté de solutions fondamentalement joyeuses qui plus est.
Une partie de ces solutions, pratiques du quotidien “durables”, constituaient la norme jusqu’à récemment ou la constituent encore en dehors des sentiers les plus battus. Certaines sont redécouvertes ou réinventées aujourd’hui, mais l’attention qu’on leur prête reste globalement très timide. Histoire et Anthropologie ne s’invitent pas aux tables écologistes malgré tout ce qu’elles pourraient leur apporter, et l’écologie ne nourrit pas non plus leurs milieux alors qu’elle pourrait tant nous en montrer la pertinence quotidienne actuelle. On s’en rendrait peut-être compte si on tendait le micro aux anciens, aux “petits”, aux gens d’ailleurs.
Nous n’entendions jamais dire comment la nature de ce que nous utilisons au quotidien peut être intrinsèquement durable ou pas, en dehors de tout mode de fabrication. Et ça nous frustrait.
Un objet peut être néfaste pour l’environnement ou la santé même s’il est recyclé, même s’il est bio, même s’il est “éthique”. Par exemple un objet qui fait du travail à notre place. Et ceux-là, il y a en a beaucoup. Vraiment beaucoup ; parce que notre société c’est construite sur une recherche de praticité et que dans 99% des cas, quand on qualifie quelque chose de “pratique” ça veut dire que de l’énergie ou des ressources matérielles extérieures à nous viennent prendre en charge la dépense que l’on aurait sinon dû assumer—un circuit électrique ou des rouages mécaniques a la place de nos muscles, des anses et des sachets à la place de notre dextérité, des matériaux à la place de nos tissus.
Nous n’entendions jamais d’autres réponses à la question “santé” + “écologie”, que “pollution”, “catastrophe naturelle”, et “voiture vs vélo”. Surtout pas “énergie”, ni “ressources”. Et ça nous frustrait.
Parce que notre sédentarité au quotidien dépasse largement ce que nous imaginons et notre utilisation insoutenable d’énergie et de ressources y est intrinsèquement liée.
(Et à côté de ça, les personnes qui s’intéressent à la santé s’intéressent assez peu à l’écologie, finalement—sous couvert de verdure, les prôneurs du végétal alimentaire ne parlent pourtant que trop peu du problème des avocats du Pérou ou de la monoculture intensive.)
Nous trouvions que tant de choses si “normales” aujourd’hui seraient parues extrêmes par le passé ou ailleurs—dans des lieux ou des époques moins éloignés de la réalité des conséquences de leurs modes de vie (jetable on te regarde…), et cette injustice d’appréciation nous frustrait.
Nous avons donc créé Philomène pour nous sentir moins seul·es, très basiquement, en permettant qu’on se retrouve autour des ressentis que nous partageons, mais aussi et beaucoup plus ambitieusement, pour essayer de faire bouger l’ordre établi des choses. On espère que ça vous dit, et que vous voudrez nous rejoindre dans cette quête.